Suivi des Trains Commerciaux (STC) avec SNCF Réseau

By mercredi 10 février 2021Data, Non classé
Motrice IRIS320, équipée pour la détection de défauts (vu sur https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Iris_320_en_livr%C3%A9e_Vigirail.jpg, CC-BY-SA-4.0)

En ces temps de sédentarité forcée, voici un article qui vous fera peut-être voyager (au moins métaphoriquement) ! Il sera ici question de la collaboration entre les équipes de SNCF Réseau et Oslandia sur la thématique de la détection automatique de défauts sur les voies de chemin de fer. L’article a été rédigé en collaboration avec nos clients, merci à eux pour s’être prêtés à l’exercice !

Introduction : les origines du projet STC

STC, qu’est-ce que c’est ?

La voie ferrée se déforme au cours du temps : les deux rails, soumis à la fois aux passages des trains et aux aléas climatiques, peuvent subir des mouvements verticaux et / ou latéraux, de façon concomitante ou non. Ces déformations sont désignées sous le vocable de « géométrie de la voie ».

Typologie de défauts sur les voies

Typologie de défauts sur les voies

Pour que ces déformations de la voie ferrée n’induisent aucune atteinte à la sécurité des circulations des trains, une surveillance régulière de la géométrie de la voie est mise en œuvre au sein de SNCF Réseau. Il s’agit de mesurer ces déformations (nivellement, dressage, dévers gauche ou écartement des rails), soit par des mesures manuelles réalisées par des agents spécialisés, soit par des engins de mesure dédiés à cette surveillance. Ces « tournées de surveillance » sont réalisées selon un cycle figé et doivent être programmées longtemps à l’avance. En zone dense, compte tenu de la quantité de trafic et de son amplitude horaire, la programmation du passage d’un engin dédié à la surveillance présente plus de difficultés que sur le reste du réseau.

Dès lors, pour suivre avec une plus grande proximité et un meilleur échantillonnage de mesure l’état de la géométrie des voies ferrées et l’évolution de leurs défauts, une solution consiste à équiper certaines rames commerciales de capteurs spécifiques pour assurer un suivi continu de certains paramètres de géométrie. SNCF teste cette approche dans le cadre du projet STC, pour Surveillance par Trains Commerciaux.

Premières phases du projet

Le projet STC a démarré en 2011 via la construction d’une preuve de concept (jusqu’à fin 2013) qui a permis de vérifier l’intérêt industriel et la réalisabilité technique de la surveillance des voies par des trains commerciaux. Entre 2014 et 2017, une phase de conception a permis de lever les verrous technologiques quant au dispositif de mesure déployé sur les rames mais aussi de développer les principes d’analyse des données brutes acquises sur ces rames.

Ces principes d’analyse devaient répondre à un réseau de contraintes :

  • Obtenir des indicateurs de géométrie conformes à ce que le mainteneur de la voie a l’habitude de manipuler (i.e. transformer des accélérations en nivellement, gauche, dévers).

  • Optimiser la localisation des données, dans un référentiel dit de ferro-localisation (système de repérage propre au monde ferroviaire).

  • Être comparable aux données fournies par les engins de mesure dits engins de référence.

  • Valoriser ces données STC pour ne pas « noyer » le mainteneur : extraire l’information utile, autrement dit, les tendances d’évolution des différents indicateurs de géométrie.

En 2017, une première version du code d’analyse était ainsi conçue.

L’entrée d’Oslandia dans le projet

Toutefois, une marche importante restait à franchir vers la mise en production du code d’analyse. Des problèmes de performance, ainsi que de passage à l’échelle ont dû être résolus ; sans compter le fait qu’un projet informatique de cette ampleur génère une dette technique conséquente. C’est à ce moment-là qu’Oslandia a été sollicitée pour intervenir sur le projet. L’expertise de nos développeurs Python a été mobilisée pour réécrire le code et préparer son industrialisation.

Cette collaboration entre SNCF Réseau et Oslandia offre un bel exemple de projet agile, où des experts métiers et des développeurs travaillent ensemble sur une thématique industrielle, via un Gitlab partagé.

Elle constitue une exception notable dans notre portefeuille de projets, la composante SIG étant reléguée à l’arrière-plan (la ferro-localisation étant donnée a priori), au profit de l’analyse de données.

Entre traitement du signal et analyse de données

STC repose en premier lieu sur la collecte de signaux issus de capteurs physiques. Les mesures données par les accéléromètres sont combinées à des données GNSS (Géolocalisation et Navigation par un Système de Satellites) et à la vitesse des rames, compilées par un système odométrique, afin d’être projetées dans un référentiel de localisation propre au monde ferroviaire : ligne, voie, PK (point kilométrique).

Ensuite, les accélérations mesurées à bord des rames sont transformées en indicateurs qualifiant la géométrie de la voie (nivellement, gauche, dévers, …). Cette partie du traitement repose sur des étapes d’intégration et de filtrage spécifiques ayant fait l’objet d’un brevet.

Accélération, en fonction du référentiel kilométrique

Accélération, en fonction du référentiel kilométrique

Par rapport aux méthodes traditionnelles, le traitement STC se distingue par un procédé de validation statistique : les rames commerciales ne proposent pas des mesures de référence, par définition, mais la compilation d’un grand nombre de passages, sur une même zone, permet de dessiner le profil des paramètres de géométrie. On extrait enfin, dans un troisième temps, ce qui relève de défauts de géométrie : les dépassements de seuil, pour chaque jour et chaque zone.

Signature d'un défaut, déclinée sur un ensemble de tournées

Signature d’un défaut, déclinée sur un ensemble de tournées

La quatrième et dernière étape du traitement fournit un suivi dans le temps de ces défauts de géométrie. Ce suivi dans le temps permet au mainteneur d’organiser au plus juste ses interventions en priorisant les défauts qui évoluent rapidement.

Distribution des dépassements de seuil, au cours du temps

Distribution des dépassements de seuil rattachés à un même défaut, au cours du temps

L’ensemble de ces traitements repose sur une utilisation massive de bibliothèques Python dédiées au calcul scientifique : numpy, scipy, pandas.

Le projet STC, aujourd’hui

Le principe de suivi de l’état de la géométrie développé dans STC a suscité un fort intérêt de la part des mainteneurs de la géométrie. S’est alors posée la question de fournir ce suivi à partir de données de mesure provenant de sources autres que les rames commerciales SNCF : la rame de surveillance dédiée aux lignes grandes vitesse, qui présente un cycle de mesure très serré par rapport au reste du réseau ferré (tous les 15 jours), ou bien la rame commerciale du RER B équipée par la RATP, qui circule pour partie sur un réseau SNCF. Chacun de ces vecteurs de mesure ayant ses propres spécificités, il s’agit ainsi d’adapter le code d’analyse à de nouveaux indicateurs de géométrie ou à d’autres contraintes déportées.

En parallèle de ces efforts de généralisation, le projet est en pré-production sur une infrastructure DataBricks. Son insertion dans l’écosystème côté SNCF Réseau s’affirme de plus en plus, laissant présager un rôle important parmi les outils de maintenance prédictive des voies.

Conclusion

Au final, ce projet permet à Oslandia de collaborer avec SNCF Réseau sur une problématique industrielle complexe, main dans la main avec des experts du domaine. La mise en œuvre de notions de mathématiques appliquées et la mobilisation de bibliothèques Python pour l’analyse de données constituent un challenge particulièrement épanouissant pour les ingénieurs que nous sommes !

Si le sujet vous intéresse, ou si vous faites face vous-mêmes à des problématiques industrielles mêlant mathématiques appliquées et informatique scientifique, n’hésitez pas à nous contacter à infos@oslandia.com pour échanger plus en détail sur cette thématique passionnante !